Paul et Lutèce rendent hommage aux soldats de la Première Guerre Mondiale

En cours d’histoire et de français, Paul et Lutèce se sont mis dans la peau des Poilus de la Première Guerre mondiale. Depuis les tranchées, ils écrivent à leur famille. Découvrez ci-dessous leurs lettres.

La lettre écrite par Paul :

25 mars 1916 à la Meuse

Ma chère mère,

Je viens vous donner de mes nouvelles. Je suis toujours vivant en ce jour où je vous parle.

Par quel miracle je suis sorti de cette bataille ?

Je me suis fait tirer dessus au moins dix millions de fois par seconde et je suis toujours en vie. Il y a la moitié qui sont évacués et moi toujours pas ; je suis un miraculé.

Il y a eu beaucoup de morts et de blessés. Soit ils ont pris une balle, soit ils ont pris un éclat d’obus, soit ils ont les pieds gelés. Tous les blessés ont pu être évacués. J’aimerais avoir les pieds gelés pour vous rejoindre parce que j’en ai marre de cette guerre.

Mon copain Tom est mort dans cette bataille, je suis triste. C’est moi qui dois annoncer sa mort à ses proches.

J’ai très faim : ça va faire deux jours que je ne mange presque rien, je suis très fatigué.

Ça fait une semaine que je ne me suis pas douché ni rasé.

Je suis démoralisé de voir tout ça.

Des morts.

Des blessés.

Je bois de l’alcool pour remettre mes idées en place et pour bien me battre contre ces Allemands.

J’ai bien reçu ta lettre et ton cadeau : le bracelet, je le porte tout le temps.

Pour la prochaine bataille je serai au canon, ça sera la première fois que je vais tirer avec cet engin.

Je vous aime fort. J’espère que toute la famille va bien. Je vous embrasse très fort.

Votre fils

Paul

La lettre écrite par Lutèce :

Septembre, Ma tendre et douce famille,

Je ne sais même plus ni le jour, ni la date de ce jour. Je sais seulement que nous sommes en septembre car certains soldats ont inscrit des croix sur le sol et la terre pour compter les mois.

Cela fait maintenant beaucoup trop longtemps que je me bats. Cette guerre est ignoble et sans fin.

Je ne suis pas pour toute cette violence.

Je sais que ce n’est que le début, et déjà nous avons perdu trop d’entre nous. Le matin nous étions 200 sur le front et le soir nous n’étions plus que 30.

Vous souvenez-vous de Pierre ? Il est maintenant décédé depuis 5 jours je pense. Les heures, jours, secondes, à quoi bon les compter si ce n’est que pour savoir quand quelqu’un meurt ou quand nous devons monter nous battre.

Un jour où j’étais sur le front, j’ai failli y rester, je me relève et j’entends une voix. « Aidez-moi, aidez-moi, je vous en prie. Pour l’amour de dieu ! » Je m’approche, dans cette pagaille, je tente de le dégager. Je m’aperçois alors qu’une partie de son pied gauche n’est plus là.

Oh, ma chère famille, comme vous me manquez. Je me languis de vous retrouver. Mère, je n’ai pas mangé de bonne nourriture depuis tant de temps. Votre délicieux bouillon de veau. Cette exquise odeur que même le voisin venait humer, ce goût que je voudrais avoir en bouche.

J’ai si froid, mes doigts manquent de tomber. Nous n’avons que notre manteau pour nous protéger du froid, j’aimerais sentir le feu qui frétille et craque dans notre belle cheminée.

Si vous pouviez ne serait-ce qu’imaginer la souffrance, la peur, la faim et la crasse qui règnent ici. Mes haillons ne sont plus salis par la boue, ils sont de la boue ! Mes godillots sont à la fois sec et mouillés. Je pense que ce sont mes orteils qui ne cessent de saigner à force de marcher dans la boue le froid et la saleté.

Vous souvenez-vous de mon envie débordante de partir à la guerre ? Comme je le regrette. J’étais si sûr d’y arriver et de gagner sans blessures. Je ne pensais pas à la mort.

Maintenant je pense que ma mort est proche. Elle nous prend tous un par un chaque jour. Chère famille, la mort est partout. Tout le monde perd mais on ne gagne rien en retour. Le plus dur a été de voir les premiers partir. Des jeunes forts et agiles qui sont partis vaillamment et naïvement.

Et je ne vous raconte pas le bruit de la mitraille ni les cris de soldats touchés physiquement. Le pire reste toujours les cris des pères qui voient leurs fils tomber au combat.

Nous sommes soumis à des courses épuisantes, vingt kilomètres avec tout le barda dans le dos. Mon corps est si fatigué que mon dos manque de se détacher et de rejoindre la boue.

Les rats sont présents dans les tranchées. A certains moment de la nuit, un rat s’installe sous ma nuque. Je le réchauffe, lui me serre d’appui. Car mon cou souffre de manquer de maintien.

J’avais intention de faire médecine. Comme vous le savez, avant la guerre, j’avais beaucoup lu sur le sujet. J’ai donc la possibilité d’exercer dans les tranchées. Je recouds les petites blessures comme celles provoquées par les morsures de rats, les coupures… Les poux nous envahissent en raison de la crasse omniprésente.

J’ai peur, je sens la fin approcher. Rien que pour vous je me battrai sans fin, jusqu’à en perdre tous mes sens. Au début voir un camarade tomber, était ma hantise. Je pensais à l’avis de décès que sa pauvre mère allait recevoir. J’ai perdu beaucoup de camarades. Je n’ai jamais perdu la foi. Ni en dieu ni en l’homme. Je songe à la chance que j’ai d’être toujours en vie. La peur est ma pire ennemie, elle est plus dangereuse que les obus lancés par les allemands. Certains allemands que j’ai rencontrés, n’étaient que de pauvre prisonniers, de malheureux gars, comme nous.

Si je reviens, je me donne l’obligation de profiter de la vie et d’oublier cette horreur, car je n’ai que 17 ans.

Je vous aime, vous chérie et vous embrasse.

Avec tout mon amour.

François votre fils et frère aimé.