Rencontre avec Valentine Goby autour de son roman L’Anguille

Le 26 novembre, les élèves ont échangé par visio-conférence avec Valentine Goby autour de son dernier roman « L’Anguille ».

Retour en mots et en images sur ce moment de partage d’une grande richesse :

Visio-conférence avec Valentine Goby le jeudi 26 novembre
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Questions sur l’Anguille

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Myrille : Est-ce que cette histoire est réelle ?

Non, l’histoire n’est pas réelle mais il faut y croire. Valentine cherche à ce que ce soit vraisemblable. Elle veut que ses lecteurs puissent y croire. C’est comme un pacte fictionnel qu’elle noue avec ses lecteurs. Elle intègre à ses romans des anecdotes ou témoignages racontés par des gens. Selon elle, certaines vies sont plus extraordinaires que des romans. Elle se sert de la réalité. Camille et Halis n’existent pas.

Evan : Pourquoi avoir choisi de parler du handicap de Camille dans votre livre ?

Valentine nous a expliqué qu’elle connaissait quelqu’un qui avait le même handicap que Camille. Dans son roman pour adulte «  Murène », Valentine parle d’un homme qui a connu un grave accident et se retrouve amputé des deux bras. Il va réussir à se réinventer une vie par la natation. Pour l’écriture de ce roman, on lui a conseillé de rencontrer un nageur

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paralympique : David Foppolo. Il est très habile de ses pieds car il est né sans bras. Il peut conduire, manger, boire avec ses pieds. Au cours de cette entrevue avec l’athlète, Valentine réalise qu’il y a une grande différence entre un handicap de naissance et un handicap suite à un accident. David n’a pas à réapprendre d’autres gestes, à reformater son cerveau. Tout ce que réussit David est normal pour lui. Il a beaucoup d’humour, d’énergie, de spontanéité. Elle avait envie de créer un personnage qui aurait comme David un handicap de naissance et la même énergie positive que lui.

Yélima : Qu’est-ce qui vous a inspiré pour les personnages de Halis et Camille ?

Pour le personnage de Camille c’est la rencontre avec David et pour Halis, Valentine nous a expliqué qu’elle voulait parler d’un handicap invisible. Halis, par son obésité, est gêné dans plein de gestes du quotidien mais ça ne se voit pas.

Myrille : Comment avez-vous choisi, trouvé le nom des personnages ?

Valentine nous a fait remarquer que Halis pouvait aussi être un nom de fille et Camille était un nom mixte. Pour Halis, elle cherchait un nom de garçon turc qui résonne en français comme un prénom féminin. Elle avait envie de questionner l’identité, de brouiller les pistes, les frontières. Elle nous a expliqué que pour elle, les prénoms reflètent la personnalité et Camille, c’est puissant, ça sonne énergique. Alors qu’Halis, c’est doux et pourtant c’est le garçon. Et puis Camille, ça rimait avec l’Anguille. Et l’Anguille c’est une petite murène. L’anguille c’est la version pour adolescents de son livre pour adultes Murène. Et Camille ça rime avec coquille, brille, pétille…

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Lily : Est-ce que chaque personnage inventé (Abdoulaye, Zac,…) est inspiré d’une personne réelle ?

Elle s’est inspirée de ses 10 années de professeur mais aussi de son vécu de collégienne. Mais elle voulait aussi créer toute une galerie de personnages qui incarneraient des attitudes diverses face à la différence.

Faustine : Pourquoi avoir choisi comme héros, un personnage d’origine étrangère ? Pourquoi la Turquie ?

Il y a toujours un personnage d’origine étrangère dans ses livres. Ça lui semble évident car elle souhaite dire le monde tel qu’il est. C’est aussi pour que ses œuvres semblent vraies. La France est un pays de grande mixité mais pas toujours bien mélangé. La France est multiculturelle et selon elle c’est une nécessité de se mélanger, qu’il y ait un brassage. Valentine nous a parlé de sa série de livres pour adolescents « Tous français d’ailleurs » qui raconte des histoires d’adolescents qui ont migré vars la France. L’origine turque, c’est parce que Halis est harcelé, c’est un bouc émissaire, une « tête de turc » : elle voulait faire réfléchir à certaines de nos expressions françaises. Dans son quartier, il y a des turcs, elle voulait les mettre par amitié. Valentine nous a dit aussi que l’étranger ne vient pas forcément d’un autre pays… Entre Halis et Camille, qui est étranger pour les autres élèves ? Camille appartient à un pays plus inconnu encore : celui du handicap.

Adam : Combien de temps avez-vous mis pour écrire ce roman ?

Comme elle avait déjà travaillé plus de trois ans sur Murène, elle avait accompli tout le travail de recherches nécessaire. Alors l’écriture de l’anguille était beaucoup plus rapide : 4 mois environ. Mais c’est aussi un roman beaucoup plus court.

Evan et Faustine : Pourquoi avez-vous choisi de mettre un harceleur dans votre livre ?

Pour Valentine, le harcèlement existe dans les écoles. Ça se passe comme ça dans la vraie vie. Zac n’est pas le plus grand des harceleurs. Zac a besoin de se moquer pour se mettre en valeur. Un harceleur a besoin de se prouver qu’il est le plus fort, qu’il est le meilleur. Harceler permet de se mettre en valeur quand on n’a pas beaucoup d’estime de soi. Valentine avait besoin d’un personnage qui soit le chef de bande de ce harcèlement mais en réalité le harcèlement se manifeste par petites touches chez plein d’autres élèves. Face au handicap de Camille, Valentine voulait un personnage qui incarne la curiosité malsaine, qui ne parvient pas à transformer son étonnement en échanges. Parce que Camille accepte d’être regardée mais pas sans échanges. Zac, c’est quelqu’un qui classe les gens, qui les juge. Quand Camille parle à ses camarades lors de la journée du handicap, les autres transforment leur regard mais pas Zac qui se replie alors sur lui-même.

Evan : Pourquoi avez-vous choisi la couture comme passion pour Halis ?

Valentine connaissait des gens adorables, un couple de turcs qui avait un mini atelier de couture en bas de chez elle. La maman de Valentine avait une machine à tisser, elle était tisserande. Et puis Valentine voulait parler d’une passion qui n’est peut-être pas facile à avouer quand on est un garçon : la couture. Pourtant beaucoup de grands couturiers célèbres sont des hommes.

Lily : Vous parlez de mangas dans votre livre. Est-ce que vous en lisez ?

Beaucoup de jeunes aiment les mangas. Elle ne lit pas de mangas mais sa fille en a beaucoup lus. Elle nous a conseillé la série « Last man ».

Evan : Est-ce qu’il y aura une suite à « l’Anguille » ?

Non, il n’y a jamais de suite à ses livres car elle laisse ses personnages vivre leur vie après… Sinon ses romans seraient trop longs. Ce qui l’intéresse, c’est d’être présente à un moment-clé de leur existence. Là pour Camille et Halis, c’est leur rencontre : voir comment cette rencontre entre deux jeunes qui ne se sentent pas bien dans leur peau, va les transformer et leur donner de la force.

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Questions sur son métier d’écrivain ?

Evan : Lequel de vos livres avez-vous mis le plus de temps à écrire ?

Ça dépend des projets, des livres. C’est comme une gestation. Certains ça peut être 4 mois et d’autres trois ans car il y a eu au préalable un gros travail de recherches, d’interviews.

Faustine : Avez-vous écrit d’autres livres pour adolescents ?

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Elle en a écrits plein ! Elle nous a parlé de la série « Tous français  » qui raconte l’histoire d’adolescents étrangers de 10 à 14 ans qui sont arrivés en France.

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Elle nous a aussi parlé de sa série « La famille Pommerol  », notamment du tome qui s’appelle « le grand mensonge » et qui raconte le confinement d’une famille.

Evan : Depuis combien de temps êtes-vous auteur ?

Valentine écrit depuis qu’elle est petite, c’est sa passion. Au fur et à mesure, ses histoires sont devenues plus longues. Son premier roman a été édité en 2002.

Evan : Quel est votre livre préféré dans ceux que vous avez écrit ?

Elle ne peut pas choisir car elle les aime tous comme si c’étaient ses enfants.

Evan : Quel est votre livre préféré d’un autre auteur ?

Valentine nous a dit que c’étaient les Misérables de Victor Hugo, qu’elle l’avait lu à notre âge dans une version abrégée de la collection Rouge et or, que ça l’avait marquée. Elle nous a raconté les grandes étapes de l’œuvre avec Jean Valjean, Cosette, Fantine, les Thénardiers, Le policier Javert… Pour elle, les Misérables, ça reste une œuvre très actuelle qui continue à nous parler du monde dans le quel on vit aujourd’hui. Elle a d’ailleurs écrit un roman pour adolescents qui serait un peu comme les misérables d’aujourd’hui et qui s’appelle «  Une preuve d’amour ».

Une preuve d’amour

Yélima : Comment trouvez-vous la motivation pour écrire ?

Personne ne l’oblige à faire ce métier. Elle aime ce métier. C’est sa passion d’écrire, depuis toujours. Quand on est passionné, on est motivé. La motivation a à voir avec la joie. Elle aime la musicalité des mots associée à leur signification. Elle aime travailler la langue, trouver un rythme, un tempo. Elle nous a parlé des gutturales, des labiales qui vont donner selon comment elle les assemble une musique, une couleur, une ambiance particulière à une phrase.

Yvann : Quel est votre parcours ?

Elle a d’abord travaillé dans l’humanitaire en Asie. Quand elle est rentrée en France, il lui fallait un travail pour vivre et elle est entrée dans les ressources humaines dans une entreprise. C’est là qu’elle a commencé à écrire le premier roman qu’elle a envoyé à un éditeur. Comme elle n’avait pas d’ordinateur, elle restait la nuit dans l’entreprise pour écrire en mangeant des yaourts. Ce roman, elle a mis deux ans à l’écrire et elle l’a envoyé à un éditeur : Gallimard. Elle pensait obtenir un refus mais elle a reçu 3 semaines plus tard une réponse positive. Dès que son livre a été publié, elle a démissionné. Elle a compris qu’elle n’était pas faite pour le monde l’entreprise et a rencontré un conseiller pour se réorienter professionnellement. Comme elle aimait les lettres, l’histoire, l’écriture, les rencontres, elle est devenue professeur de lettres au collège. Elle a enseigné 10 ans et a arrêté maintenant pour pouvoir rencontrer ses lecteurs, intervenir dans les écoles, les Ehpad, les bibliothèques…

Faustine : Est-ce que c’est difficile de publier un livre, de trouver un éditeur ?

Elle nous a dit qu’elle a eu beaucoup de chance car le premier manuscrit qu’elle a envoyé a été accepté et son roman publié.

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un GRAND merci à Valentine Goby pour sa générosité et sa disponibilité. Merci au salon Baie des livres de Saint-Martin des Champs de nous permettre chaque année de belles rencontres littéraires !